Cette année, dans le cadre des Contrats Départementaux de Développements Culturels, la classe de 3ème D a travaillé avec un photographe professionnel, Irwin Leullier, et son étonnante Obscuravane ! Tout au long du premier trimestre, les élèves ont abordé la question de la subjectivité et de la représentation de soi dans leurs cours : avec Mme Bouvier sur l’autobiographie, Mme Lounana sur le portrait et l’autoportrait, et Mme Brière sur l’e-reputation en ligne. A l’ère du numérique et de la surreprésentation de soi, la pratique de la photographie argentique est venue ré-interroger ces approches et faire naître de nouveaux processus de création artistiques.
Le confinement n’a malheureusement pas permis de clôturer le projet avec la réalisation et l’inauguration de l’exposition prévue pour les réunions parents professeurs du mois de mars… Qu’à cela ne tienne, puisque nous ne pouvions pas monter ensemble cette exposition dans le hall du collège, elle est devenue numérique ! C’est avec joie que nous vous la partageons ici : Exposition Selfies – Filtres de soi
Nous avions également prévu un petit « Making off » réalisé par les élèves, qui vous permettra de retracer quelques étapes de notre aventure photograpique !
Jour 1
Un ovni est apparu sur la pelouse du collège ! Le premier jour, nous avons visité l’Obscuravane d’Irwin, qu’il a transformée en appareil photo géant. Quand nous sommes rentrés à l’intérieur, nous avons découvert des appareils anciens et des polaroïds scotchés aux murs, ainsi qu’un laboratoire où nous pouvions développer nos tirages. L’Obscuravane fonctionne comme un sténopé : c’est une boîte noire, et on perce une de ses faces pour faire un trou minuscule qui laisse passer la lumière. Sur le côté qui se trouve en face du trou, apparaît au bout de plusieurs minutes l’image de l’extérieur, mais à l’envers. On peut l’immortaliser sur du papier photosensible. Irwin nous a expliqué qu’on appelait ça le principe de la « Camera Obscura », était aussi l’inverse du processus auquel on a l’habitude : pas d’écran, des temps de pose longs, un cadrage approximatif, et un rendu souvent un peu flou.
A la fin de la journée nous avons pu nous-mêmes expérimenter la technique du sténopé en réalisant une photo de classe, qui est la couverture de notre expo ! Nous avons dû poser pendant 2 minutes, en essayant de ne pas bouger pour ne pas être flous. Irwin, lui, s’est d’abord positionné à droite du groupe, puis s’est déplacé sur la gauche au bout d’une minute. C’est pour ça qu’il apparaît à deux endroits différents sur la même photo !
Pendant cette première journée Irwin nous a aussi retracé l’histoire de la photographie et du portrait, en allant du premier « Autoportrait en noyé » d’Hippolyte Bayard en 1840, à ceux de Cindy Sherman aujourd’hui ! Grâce à sa fabuleuse collection d’appareils photos anciens, nous avons pu voir comment les appareils ont aussi évolué dans le temps, avec de nouveaux moyens techniques.
L’après-midi, nous avons découvert l’univers des polaroïds, où l’image apparaît presque instantanément sur le papier photo qui sort directement de l’appareil. Nous avons pris notre premier « Selfie » en polaroïd, dehors. Il fallait déterminer l’angle parfait du reflet de la lumière. Pour ça, nous nous sommes entraînés à voir l’ombre sur notre main. Puis nous avons réfléchi au cadrage que nous souhaitions pour donner un effet. Nous avons terminé la journée en personnalisant notre photo avec des feutres de couleur indélébiles.
Trame rédigée par Joy, Emma et Vanylla
Jour 2
Pour notre deuxième atelier en plein hiver, la météo n’était plus au rendez-vous : impossible de travailler avec la lumière naturelle. Irwin a donc sorti de l’Obscuravane de quoi installer un studio photo, et une « Obscurabox ». Nous l’avons aidé à tout mettre en place en début de matinée.
Nous avons commencé à mettre des trépieds, puis tendu un grand drap noir tenu par des pinces à linge. Nous avons installé des parapluies pour renvoyer la lumière quand on prenait la photo et qu’on utilisait des flashs. On a utilisé un réflecteur pour la lumière : c’est un grand panneau rond et blanc.
Dans la chambre photographique que nous avons utilisée pour faire nos portraits, on retrouvait le principe de la « Camera Obscura » : on voyait la personne à l’envers. A l’intérieur de l’appareil nous avions mis un film négatif sur une plaque de verre.
Trame rédigée par Grégory, Morgane, Amandine et Dany
Dans un deuxième temps, nous avons développé les négatifs dans l’Obscurabox. C’est une grande boîte servant de laboratoire, aussi appelée « boîte noire ». A l’intérieur les photos sont trempées dans trois bains différents : le révélateur, le bain d’arrêt, et enfin le fixateur. Pour que tout reste dans l’obscurité, nous avons dû installer le matériel nécessaire à l’intérieur de la boîte, insérer les négatifs à développer, et ensuite passer nos bras dans des manchons. Nous étions deux face à face, et devions coordonner nos mouvements à l’intérieur de la boîte… on se serait crus dans Fort Boyard !!!
A l’extérieur, un autre élève chronométrait 30 secondes : c’est le temps que doit rester le négatif dans chaque bain. Le plus difficile est de réussir à ne pas faire tomber des gouttes d’un bain dans un autre lorsque l’on déplace le négatif en le tenant avec une pince !
Enfin, une fois que nous avions fixé le négatif sur du papier photo, Irwin nous a montré comment dessiner par dessus grâce à un calque. Nous devions essayer de faire dialoguer notre premier polaroïd avec le décors sur le calque de notre deuxième portrait.
Trame rédigée par Louna, Océane et Eva
Jour 3
Pour notre dernier atelier, tout restait à finaliser ! Terminer les dessins autour de notre polaroïd pour le mettre en scène, ainsi que les calques, que nous avons photocopiés sur du papier transparent. Nous avons ensuite scotché le négatif tiré lors de l’atelier précédent sur le film transparent, pour bien le positionner.
Nous sommes retournés dans l’Obscuravane pour tirer le positif, cette fois, et faire apparaître le dessin du calque en négatif, superposé sur notre portrait : ainsi, les traits noirs dessinés sur le calque ressortent en blanc. C’est stylé !
Le temps passé dans la chambre noire de l’Obscuravane était un peu plus long cette fois, et nous avons donc pu travailler en même temps à la création de titres pour nos deux oeuvres, ainsi qu’à la rédaction de cartouches : nous pensions déjà au montage de l’exposition, et devions expliquer notre démarche, nos choix, la façon dont nos deux photos – l’une en noir et blanc, l’autre en couleur – dialoguent.
En parallèle, nous avons travaillé avec Mme Lounana sur le « Selfie » numérique, qui est une version moderne de l’autoportrait. Nous devions créer un triptyque : un selfie naturel, le même selfie retouché pour effacer tous les petits « défauts », et enfin des modifications très exagérées sur le selfie, comme si on avait eu recours à de la chirurgie esthétique (lèvres ultra pulpeuses, yeux agrandis, nez rétréci…). Cette démarche nous a permis de prendre conscience qu’aujourd’hui on se prend quotidiennement en photo pour se montrer sur les réseaux et avoir des « likes ». Ça nous rassure, nous « prouve » que la société nous accepte. Prendre des photos, et surtout les retoucher, parce que l’on ne s’assume pas forcément au naturel, c’est devenu une drogue. Avec Irwin et les appareils photo argentiques, nous avons dû réellement réfléchir à ce que nous souhaitions montrer : pas seulement notre visage dans un but esthétique comme sur les selfies avec nos portables, mais aussi notre personnalité en nous mettant en scène. Le temps nécessaire au développement de la photo, qui est aussi très coûteux et nous limite à un seul cliché, nous pousse aussi à cette réflexion. Nous avons remplacé les filtres par du dessin, pour donner un sens à nos photos, et non les rendre « plus belles ».
Nous espérons que vous aurez plaisir à regarder le résultat en visitant notre exposition !
Trame rédigée par Maëlle et Emma
Pour la réalisation de ce projet, nous tenons à remercier le Département de l’Oise, sans lequel nous n’aurions pu réunir le budget nécessaire, l’Agence Régionale de Santé pour son soutien constant dans les projets du CESC, ainsi qu’Irwin Leullier, pour la richesse et la souplesse de ses ateliers, dont nous garderons un souvenir lumineux !